Comptes bancaires au Portugal : attention à l'obligation de déclaration des comptes détenues à l'étranger...

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Depuis quelques mois maintenant le cabinet est contacté par des Portugais résidant fiscalement en France qui sont confrontés à des redressements fiscaux liés à l’absence de déclaration de leurs comptes bancaires ouverts au Portugal.

Il semble qu’une véritable compagne soit menée par l’administration fiscale française pour contrôler et vérifier les déclarations, ou plutôt l’absence de déclaration, des comptes bancaires ouverts par les Portugais résidants et déclarant leur revenu en France.

En effet, il existe pour les contribuables une obligation de déclaration des comptes bancaires situés à l’étranger, laquelle est prévue par le deuxième alinéa de l’article 1649 A du Code général des impôts qui dispose que :

« Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret ».

Les modalités d’application de cet article sont prévues par les articles 344 A et 344 B de l'annexe III. D’un point de vue pratique, la déclaration d’un compte à l’étranger consiste à déclarer les informations et références bancaires dans l’annexe n° 3916 de la déclaration de revenu n°2042. Il existe par ailleurs une annexe n°3916 BIS pour la déclaration par un résident d'un compte d'actifs numériques ouvert, détenu, utilisé ou clos à l'étranger. Le montant des comptes ne fait pas partie des informations à communiquer.

Il convient de préciser qu’un compte est réputé être détenu par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci en est titulaire, co-titulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique.

Il faut avoir présent à l’esprit que les pénalités peuvent croître de manière exponentielle, puisqu’une amende de 1500 € est appliquée par compte et par année non déclarée. La période de redressement pouvant rétroagir jusqu’à dix ans selon l’administration, car elle considère qu’il s’agit d’une absence de déclaration.

Par ailleurs, les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 1649 A du CGI constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables.

Ainsi, au-delà des lourdes pénalités, le contribuable peut être aussi redressé sur les sommes ayant transitées par le compte au Portugal, s’il n’arrive pas à en justifier une provenance légale et ainsi renverser la présomption.

Or, aujourd’hui, l’administration fiscale française qui a un droit de communication auprès des établissements bancaires portugais concernant les comptes détenus au Portugal par des résidents fiscaux français a engagé une campagne de contrôle qui me semble d’ampleur au regard des redressements opérés et l’émoi suscité dans la communauté française en France.

Par conséquent, il est fortement conseillé à la communauté portugaise résidente fiscalement en France d’avoir une attention particulière concernant la déclaration des comptes et en cas d’absence ou d’oubli de déclaration de procéder à une régularisation spontanée pour bénéficier de la bonne foi.

Il est vrai que cette obligation fiscale est encore très peu connue par les contribuables portugais résidents en France et c’est le plus souvent en toute bonne foi qu’ils ont omis de procéder à la déclaration susmentionnée.

Nonobstant le fait que l’administration fiscale conteste dans les procédures la possibilité de régulariser sans être soumis au paiement des pénalités, une régularisation de bonne foi pourra peut-être rentrer dans les dispositions autorisant le droit à l’erreur confirmé notamment par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance dite « loi ESSOC » qui a institué un droit à l’erreur permettant au justiciable de corriger sans sanction des erreurs commises de bonne foi.

Il appartiendra aux Tribunaux administratifs d’éventuellement reconnaître ce droit à l’erreur qui me semble tout à fait pertinent dans le cas d’espèce.

En effet, la doctrine administrative (BOI-DAE-10-02/10/2019 n°10) précise même expressément que le droit à l’erreur préexistait à la loi ESSOC, puisqu’il résulte des dispositions du code général des impôts et du livre des procédures fiscales qu’un contribuable déposant spontanément une déclaration rectificative pour corriger une erreur de bonne foi n’encourt, dans la très grande majorité des cas, aucune majoration ou amende.

Un autre débat devra aussi avoir lieu sur le fait de savoir si l’absence de dépôt de l’annexe n°3916 par le contribuable qui a déclaré ses revenus constitue une absence de déclaration ou une erreur dans la déclaration de ses revenus. De la réponse donnée à cette question, en découlera de nombreuses conséquences s’agissant de l’application du droit à l’erreur et des pénalités.

En conclusions, il convient d’alerter la communauté portugaise sur cette obligation déclarative et l’inviter à régulariser la situation sans attendre. Enfin, il n'apparaît pas inutile de suggérer aux établissements bancaires portugais qui ouvrent des comptes au Portugal à des non-résidents portugais de rappeler à leurs clients cette obligation déclarative française, dans le cadre de leur devoir de conseil.

Pierre Emmanuel de OLIVEIRA
Docteur en droit
Avocat (Barreaux de Bordeaux)
Advogado (Conselho Regional do Porto)

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