Décarbonation de la supply-chain : "la première règle, c'est la sobriété"
Affaires - Transport
15/12/2022
Le groupe Bolloré consolide sa stratégie de décarbonation pour le transport routier, le maritime et l’aérien. Il mise sur la propulsion vélique et promeut les biocarburants auprès de ses clients. Maïlys Treluyer, cheffe de projet environnement achat fret, explique les engagements du commissionnaire de transport et présente l’accord signé avec l’armateur Hapag-Lloyd pour le maritime.
Bulletin des transports : Comment un commissionnaire de transport élabore-t-il sa stratégie de décarbonation ? Maïlys Treluyer : Notre engagement est de réaliser -30 % entre 2019 et 2030 sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) que l’on opère pour les opérations de transport effectués pour nos clients. Cela inclut le transport maritime, le routier et l’aérien. Nous travaillons avec nos partenaires stratégiques pour évaluer leur empreinte carbone qui fait partie de leur performance. Nous disposons d’une feuille de route relative à la proportion et au nombre de conteneurs que l’on souhaite faire naviguer en carburants alternatifs. Nos partenaires maritimes estiment que les biocarburants (issus des huiles usagées ou de déchets) ont la capacité de réduire les émissions de CO2 de plus de 85 % par rapport aux carburants fossiles.
BTL : Pourquoi la décarbonation du transport routier vous paraît-elle plus compliquée ? M. T. : Pour deux raisons principales : la multiplicité des solutions disponibles d’une part et le fait que tous les pays européens n’ont pas choisi de promouvoir les mêmes solutions d’autre part. Par exemple, l’Italie fait la promotion du biogaz alors que les Pays-Bas misent sur le biodiesel. Les politiques publiques d’investissement ont un effet sur les infrastructures et sur la disponibilité des infrastructures. Faut-il une politique européenne harmonisée des biocarburants au moment où on dispose de davantage de biogaz en Italie ? Utilisons ce qui est disponible. En outre, le prix des camions est un véritable problème. Les importants surcoûts liés au changement des motorisations peuvent être un frein à la décarbonation.
BTL : Il semble que votre programme RSE « Powering Sustainable Logistics » (1) résume bien votre engagement. M. T. : Notre objectif est une réduction des émissions de -43 % entre 2017 et 2027, objectif en ligne avec la trajectoire 1,5 des accords de Paris de 2015. Nous nous sommes engagés à une réduction de -30 % entre 2019 et 2030 en valeur absolue pour les opérations de transport que l’on opère pour nos clients. Nos émissions de CO2 représentent 96 % en tant qu’organisateur de transport (scope 3). Pour le scope 1 et 2, elles représentent 3 % (2).
BTL : C’est dans cet esprit que vous avez signé un accord avec Hapag-Lloyd ?
L’accord, qui s’applique depuis le 1er septembre, veut promouvoir l’usage des biocarburants dans le maritime et nous engage sur des volumes, sur l’allocation de biofuel pour les conteneurs transportés par Bolloré Logistics, sur un certain nombre de lignes qui ont été présélectionnées. Il s’inscrit dans le cadre de notre programme RSE et complète notre offre SEAlternative, basée sur l’utilisation de carburants alternatifs, proposés à prix coûtant à nos clients.
BTL : À l’instar de CMA-CGM, votre groupe privilégie-t-il le GNL et le méthanol ? M. T. : La première règle, c’est la sobriété. Nous proposerons des compagnies maritimes sobres en carburant à nos clients en premier choix. Le maritime est le mode de transport le plus décarboné au regard de la tonne de fret transportée. Ensuite, on propose ces carburants alternatifs car ils ont un potentiel de réduction des émissions de CO2. Le GNL (Gaz naturel liquéfié) n’est pas à son maximum ; le bioGNV (Gaz naturel véhicule) a beaucoup plus de potentiel.
Nous prenons en compte l’ensemble du cycle de vie du carburant : le GNL est issu de ressources fossiles plus performantes que les biocarburants maritimes. Pour le bioGNV, par exemple, le méthane est formé à partir de bouses de vache, il s’agit de la décomposition des déchets agricoles. La décarbonation est aussi une affaire d’indépendance énergétique. Tout le monde est capable de produire du bioGNV mais tous les pays n’ont pas de GNL dans leur sous-sol. La France est capable de produire du bioGNV parce que son agriculture est importante.
BTL :Vous êtes membre de l’association « Shipper Coalition for a low carbon maritime transport ». Quel en est l’intérêt ? M. T. : L’association lance des appels d’offres auprès des armateurs pour qu’ils fassent des propositions de solutions décarbonées. Le premier a été lancé en février 2022 pour déployer des solutions de porte-conteneurs à propulsion vélique dès 2024, sur des liaisons transatlantiques entre l’Europe et l’Amérique du Nord, pour diviser par deux les émissions de CO2 par rapport à un transport conventionnel. Nous travaillons ensemble à la contractualisation d’un service et à la construction de bateaux. L’association a la capacité de construire des bateaux de 600 à 1 000 EVP sur la ligne transatlantique.
(1) « La puissance d’une logistique durable », en français.
(2) Les scopes désignent le périmètre au sein duquel sont étudiées les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour réaliser le bilan carbone d’une entreprise. Le scope 1 est le périmètre le plus restreint et désigne les émissions directes de l’entreprise (chauffage des locaux, entrepôts, flotte de véhicules, etc.), le scope 3 est le périmètre le plus large et désigne les émissions indirectes liées à l’énergie (véhicules d’entreprises, livraison d’un produit commandé sur un site e-commerce, achats de matières premières, etc.).
Propos recueillis par Louis Guarino
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